Le dernier succès d'Henri Toivonen et Sergio Cresto avec Lancia au Monte-Carlo

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Article issu du n°507 d’AUTOhebdo, daté du 29 janvier 1986

Petit Henri est devenu grand

Sa hanche l'a fait souffrir, mais il a marché droit. Sa Lancia était tordue, mais elle a résisté. Ensemble, ils ont relevé le gant, tandis que Salonen et Peugeot jetaient l'éponge.

Par Michel Lizin

Cela a-t-il jamais fait le moindre doute ? Le championnat du Monde des rallyes 1986 tiendra toutes ses promesses. La première manche -et la plus réputée- a permis de vivre de bout en bout une lutte au plus haut niveau entre les deux grands favoris de la saison 1986, Peugeot et Lancia, suivis à peu de distance par Audi.

En performances pures, les machines italiennes et françaises sont apparues proches les unes des autres. La 205 Turbo 16 conserve, à notre avis, un léger avantage en tenue de route et en facilité de conduite, compensé sur la Delta S4 par une formidable accélération en sortie des virages serrés.

Qu’est-ce qui a fait la différence ? Au Monte-Carlo, le rôle des pneumatiques est traditionnellement important et remis en cause au départ de chaque spéciale. Non seulement chaque écurie doit avoir à sa disposition les bons pneus, mais chaque équipage doit à chaque reprise effectuer le« bon choix », celui du meil­leur ou du moins mauvais compromis.

« Au Monte-Carlo, l’emporte celui qui commet le moins d’erreurs dans le choix de ses pneus », a déclaré Timo Salonen après l’arrivée. Les écuries officielles Peugeot, Audi, Austin Rover et Citroën étaient équipées par Michelin alors que Lancia restait fidèle à Pirelli. Les deux manufacturiers offraient à leurs clients » une gamme de dix à quinze types de pneumatiques adaptés aux différentes conditions de route. Sur terrain sec et par temps doux (spéciales du lundi et du mardi), les Michelin se sont révélés légèrement supérieurs. Il en a été de même sur goudron très froid agrémenté de plaques de glace où les SOA ont fait merveille.

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Sur la neige fraîche ou damée des spé­ciales des environs de Gap, les deux pneus ont fait jeu égal. Dans la neige fondante laissant apparaître le goudron (la soupe) par contre, les Pirelli étroits ont pris le meilleur tout comme dans les alternances de goudron sec et humide avec portions de neige fondante où le Pirelli «pluie» s’est bien comporté. Comme le Rallye Monte-Carlo s’est dé­roulé dans des conditions climatiques marquées par un fort redoux et des températures soit positives, soit voisines de zéro, les points forts des pneus Pirelli ont trouvé de plus nombreuses occa­sions de s’exprimer.

L’assitance de nuit du team Lancia auprès des futurs vainqueurs. © DPPI

Sur l’ensemble du rallye, l’équipe Lan­cia a sans doute également commis moins d’erreurs dans le choix des pneumatiques fournis à ses pilotes. Il y en eut pourtant trois : dans La Souche, où Lan­cia a cru au gel et choisi des pneus cloutés, dans Sisteron-Thoard, où les pneus neige montés en cours de spéciale se sont révélés inadaptés et dans Tri­gance où Toivonen est parti avec de mauvais pneus slicks. Chez Peugeot et chez Audi, les erreurs ont été moins graves mais beaucoup plus nombreuses. On a souvent retrouvé une Peugeot aux avant-postes, quel que soit le terrain … mais pas toujours la même. Était-ce une conséquence du manque d’un pneumati­que parfaitement adapté ?

« Plus que partout ailleurs, le pilote au Monte-Carlo est particulièrement impor­tant. Les changements constants d’adhérence le contraignent à être tota­lement maître de son pilotage, de sa voiture, de ses pneus», disent les spé­cialistes.

Voilà pourquoi nous cesserons de nous étendre sur les machines et les pneus pour insister sur la performance réussie par ce petit bonhomme qu’est Henri Toivonen. Perdre 1′ sur la route et 30″ en spéciale suite à un accident de la circula­tion, concéder 1 ’30 » sur crevaison, se battre pendant les deux tiers d’un rallye avec une voiture au châssis faussé et l’emporter avec plus de 4′ d’avance sur son suivant n’est pas à la portée du premier rallyman venu. La victoire 1986 a d’abord été celle d’un pilote: Henri Toi­vonen.

Henri Toivonen et Sergio Cresto, vainqueurs du Rallye Monte-Carlo 1986.

Son triomphe fait d’autant plus plaisir qu’il prouve qu’Henri Toivonen a enfin atteint l’objectif exprimé il y a deux semaines dans AUTOhebdo : dominer son pilotage et ses courses, domestiquer son talent. Après une victoire cc de rac­croc » due à une erreur de Markku Alen au RAC, Toivonen revient en force dans le peloton des« tout grands». Il semble enfin libéré de ses appréhensions et est apparu de plus en plus détendu au fil de l’épreuve. S’il en est ainsi à chaque course, voilà un candidat tout désigné pour le titre mondial des pilotes.

Il lui faudra pour cela battre ses compa­gnons d’écurie Markku Alen, handicapé par un moteur capricieux avant d’être contraint à l’abandon, et Miki Biasion, excellent jusqu’à sa sortie de route. Il ne faut pas lui en tenir rigueur : c’est sa première en quatre ans.
Avouant son peu d’amour pour le rallye Monte-Carlo, Timo Salonen a mené la course à sa manière habituelle : en étant pleinement conscient de ses limites. Il a effectué certains choix prudents pour obtenir le meilleur résultat possible et préserver toutes les chances de Peugeot au championnat mondial. Important, alors que les autres voitures de la mar­que avaient été retardées par divers incidents.

Outre Toivonen, le grand Monsieur du Monte-Carlo s’appelle Bruno Saby. Il s’est montré à la hauteur de ses équi­piers nordiques sur la neige avant de les surpasser sur le goudron. Il a enfin concrétisé dans les chronos les espoirs placés en lui. De quoi lui donner la sérénité indispensable pour les courses à venir.

Bruno Saby dans ses œuvres au Monte-Carlo 1986. © DPPI

Juha Kankkunen a rapidement pris en main son nouveau joujou et sera compé­titif dès le Rallye de Suède. La performance globale d’Hannu Mik­kola et certains exploits réalisés par Walter Rohrl, en dépit d’une voiture à la mécanique récalcitrante, prouvent que I’Audi Sport Quattro reste une menace à ne pas négliger … lorsqu’elle sera pré­sente, c’est-à-dire bientôt, au Rallye du Portugal.

Le résultat est par contre nettement moins favorable pour Austin Rover et Citroën. Les voitures françaises ont rapi­dement disparu sans avoir prouvé grand-chose. Manque d’essais prépara­toires ou caractère intrinsèque de la voiture ?

Après leurs performances du RAC, les retraits prématurés des MG Metro sont plus surprenants. Leurs pilotes prenant pour la première fois part au « Monte », .en ne s’attendait pas à ce que les MG jouent les premiers rôles … ni à ce qu’el­les abandonnent aussitôt. Comme au RAC, Wilson a été arrêté par des ennuis de transmission.

L’arrêt volontaire de Tony Pond est beaucoup moins compré­hensible. Pourquoi Austin Rover n’a-t-il pas affecté un ou deux véhicules d’assis­tance au pilote anglais, équipé sa voiture de pneus de compromis » avec pour charge d’aller le plus loin possible afin de multiplier les enseignements techni­ques … et d’assurer une facile remontée promotionnelle.

En groupe A également, le championnat du Monde est lancé : Renault gagne la première manche grâce à Oreille mais ne participe pas au championnat pour le­quel VW a pris un net avantage sur Fiat et Mazda. A suivre.

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