Hier à 09:24
Actif sur la scène internationale depuis deux saisons, le Français Corentin Silvestre poursuit sa trajectoire atypique dans le monde du rallye en accompagnant le pilote turc Kerem Kazaz, sur les spéciales du championnat du monde.
Âgé de 24 ans, le Vauclusien a accumulé une solide expérience au cours des douze derniers mois, disputant une trentaine de rallyes aux quatre coins de l'Europe. Il s'est illustré dans différentes catégories, que ce soit en Rally3 (Ford Fiesta), Rally2 (Hyundai i20N) ou encore en Rally4 (Peugeot 208).
Alors qu'un été intense se profile, avec des participations prévues en Estonie et en Finlande, toujours aux côtés de Kazaz, Corentin Silvestre est revenu avec nous sur le déroulement de sa saison actuelle, tout en évoquant sa carrière.
Avant de découvrir plus en détails ton parcours et de parler de ton actualité, comment es-tu arrivé dans ce milieu ?
"C'est une passion qui me vient de mon papa qui gère le garage automobile de la famille. Il y a toujours eu des voitures de compétition autour de moi.J'ai suivi mon papa pendant une dizaine d'années sur des courses de côte, et j'ai fait également du karting pendant 10 ans à un bon niveau. Cette passion pour le sport automobile s'est construite petit à petit au cours de mon enfance. Dans ces années-là, j'ai pu assister à 3-4 rallyes régionaux chaque année comme le Vaison, Venasque et Monts de Vaucluse, mais jamais au niveau supérieur.""Honnêtement, j'ai toujours été plus attiré par le volant que par le carnet de copilotes, mais le budget m'a évidemment limité.Et justement, ma carrière en karting s'est terminée à cause d'un manque de finances alors qu'il fallait évoluer dans le championnat d'Europe. Très vite, j'ai été passionné par le côté technique dans ce sport, en travaillant sur les setups par exemple. Grâce à cet aspect technique, je pense que j'ai une vraie valeur ajoutée par rapport à d'autres copilotes.En plus de ça, j'essaie d'aider pas mal de copilotes qui débutent, spécialement dans les formules de promotion. J'adore faire ça et j'espère avoir plus d'occasions de le faire à l'avenir.En parallèle, je travaille en tant qu'indépendant dans la gestion de patrimoine. J'ai fait un BTS "Assurance Finance", et ensuite un Master dans la gestion de patrimoine. J'adore faire ça car ça me stimule de faire autre chose, et ça m'assure un avenir car l'environnement est instable en rallye. Tout peut vite s'arrêter."Comment se sont passés tes débuts en rallye ?
"J'ai fait mon premier rallye à l'âge de 16 ans, et je suis petit à petit monté en niveau. De 2016 à 2019, seulement de la Coupe de France, sauf le Var pour terminer la saison.En 2020, je suis monté d'un cran avec ma première saison en championnat de France aux côtés de Florian Bouchonneau qui était pilote Rallye Jeunes. De mon côté, j'avais participé à la sélection Rallye Jeunes en 2019, mais il me manquait certaines choses par rapport à des copilotes plus expérimentés comme Kevin Parent et Yannick Roche par exemple.En 2021 et 2022, encore quelques rallyes en France avec notamment mes débuts sur terre et un titre de vice-champion Junior avec Bouchonneau. Pour 2023, Eric Mauffrey m'a initialement proposé un programme partiel en championnat de France asphalte. Mais je tenais absolument à disputer une saison complète, ce qui a finalement pu se concrétiser. Nous avons réalisé une bonne saison avec notamment de belles performances. Je tiens une nouvelle fois à le remercier sincèrement pour la confiance qu'il m'a accordée. Au fil du temps, il est devenu un véritable ami, et nous échangeons très souvent au téléphone. Il me conseille régulièrement et je peux compter sur son expérience de pilote professionnel.""En 2024, je suis encore monté d'un niveau avec Hugo Margaillan. L'hiver avait été assez difficile avec beaucoup de contacts, dont Eric Camilli et JB Franceschi, mais un choix difficile à faire, il ne fallait pas se tromper. On a passé de supers moments avec Hugo jusqu'à la sortie en essais avant le Rouergue. En fin de saison 2023, j'avais également roulé en Espagne avec Pierre Lafay où j'ai pu rencontrer le Turc Kerem Kazaz avec qui j'ai sympathisé assez vite. On a fait du setup ensemble avec des essais en Turquie sur une Rally4 puis sur une Rally2. J'ai réussi à le convaincre, notamment grâce à mon apport technique, et on a commencé à collaborer davantage ensemble. Il fallait évidemment que j'apprenne très rapidement à bosser avec des notes en anglais. Et alors que j'étais à peine remis de mon accident au Rouergue avec Hugo, j'avais un gros programme à faire de six rallyes avec Kerem pendant l'été 2024. Il fallait absolument que je retrouve la forme très vite, et cet été a peut-être changé ma carrière.En fin de saison, j'ai retrouvé Margaillan pour le rallye du Var, mais on n'a pas réussi à trouver un deal pour la saison suivante, et en plus, je ne pouvais pas participer aux trois premières manches du championnat, car j'étais engagé avec Kazaz. Depuis ce rallye du Rouergue en juillet 2024, j'ai fait 31 rallyes avec énormément d'expériences différentes, c'est assez dingue.J'ai également participé au rallye des Monts de Vaucluse par deux fois au volant avec une 7e place en 2022, et une 8e en 2023."Cette année, tu es principalement engagé en WRC3 avec Kerem. Quel est ton bilan sur cette première moitié de saison ?
"En WRC3, nous n'avons pour l'instant pas la vitesse pour gagner, mais on apprend calmement avec sérénité en faisant des courses intelligentes. Nous avons l'assurance de faire toute la saison grâce à un partenaire assez conséquent, et c'est idéal pour progresser.Pour l'instant, nous sommes 4e du championnat en Junior WRC. On a fait de supers chronos en Suède, aussi au Portugal, et à 19 ans, c'est déjà très positif. En Grèce, c'était un peu plus délicat, mais on avait choisi délibérément de partir doucement, et de profiter des problèmes des autres. Malheureusement, on a aussi rencontré de gros problèmes sur la voiture, et on s'est vite retrouvé à plus de cinq minutes du leader après quatre spéciales.""Après la Grèce, Kerem devrait être beaucoup plus à l'aise en Finlande avec moins de consignes à respecter et la volonté de se lâcher un peu plus. Le plateau sera très important sur cette épreuve avec quasiment une vingtaine de concurrents. Avant la Finlande, on va rouler en Estonie pour faire du roulage supplémentaire afin de s'adapter à ce profil de rallyes. Par contre, on n'aura pas la Ford Fiesta Evo, donc on va manquer d'un peu de performances par rapport aux autres.Je pense que Kerem peut aller loin, et il serait bien placé dans toutes les formules de promotion que j'ai pu faire en France. Il est très à l'aise sur les rallyes les plus rapides. Il n'exploite pas son potentiel encore à 100%, mais il a la chance d'être soutenu par de bons partenaires et a le temps d'apprendre."En t'associant avec un pilote Turc, tu dois évidemment travailler exclusivement en anglais. Comment as-tu fait pour t'adapter ça ?
"Mon premier rallye avec Kerem était en Espagne, début 2024, et je ne connaissais pas grand-chose en anglais à cette époque. J'ai rapidement appris son système par coeur pour être rapidement au point et ne pas me limiter aux chiffres ou aux directions. Pour progresser rapidement, j'ai tout essayé, application, caméras embarquées, lecture de livres en anglais tous les jours pour augmenter petit à petit mon vocabulaire. D'ailleurs, j'ai démarré par un roman policier, et ce n'était pas une très bonne idée car j'avais énormément de mots que je ne connaissais pas !En copilotant en anglais, je m'ouvre au monde en entier, et j'ai l'objectif de pouvoir rouler avec d'autres pilotes étrangers à l'avenir. Ce n'est pas vraiment ordinaire comme parcours, mais j'adore ce défi.Dans ma situation, je rêve maintenant de Rally2 ou même de Rally1, mais il faut être réaliste, je vis déjà quelque chose d'exceptionnel depuis deux ans. Mon parcours est atypique, je n'ai encore jamais rien gagné, mais j'ai une valeur ajoutée différente qui m'aide depuis mes débuts."Tu as déjà une énorme expérience à seulement 24 ans. Quels sont tes axes de progression désormais ?
"Je peux encore trouver des petites choses sur le côté technique, mais je dois surtout encore travailler mon anglais. J'ai l'objectif d'être totalement bilingue pour pouvoir travailler avec n'importe quel pilote du monde. J'ai encore du travail, notamment sur l'accent. Je pense pouvoir encore progresser de 30 à 40% dans ce domaine.Je regarde beaucoup d'embarquées, spécialement le copilote de McErlean qui est vraiment ma référence. Edmondson (Solberg) est top aussi, comme le copilote d'Evans, mais ça va un peu trop vite en Rally1 pour tout comprendre ! En Rally2, c'est parfait pour moi.Dans l'environnement de l'équipe, je travaille également avec un ingénieur irlandais. En plus de ça, Kerem est aidé par Teemu Suninen, donc j'entends aussi beaucoup l'accent finlandais !"Quel est l'objectif sur cette deuxième partie de saison ?
"D'abord de remporter un deuxième titre en Turquie, puis bien finir la saison en Junior. Ce serait super de finir troisième du championnat, et ça nous permettrait de bien communiquer pour la suite.Je ne suis pas mécontent du début de saison et on prépare pour l'instant idéalement l'année prochaine."